28 avril 2009
18 avril 2009
L’affaire Orelsan ou comment les tendances se redessinent au parti socialiste
Dix-sept collectivités territoriales co-financent les salles ou festivals où se produira Orelsan : le Conseil régional de Bretagne, le Conseil général d’Ille-et-Vilaine et la Ville de Rennes pour le concert du 21 avril à l’Antipode ; le Conseil régional du Centre, le Conseil général du Cher, la Communauté d’agglomération Bourges Plus et la Ville de Bourges pour son passage au Printemps de Bourges le 24 avril ; la Ville de Lille pour le concert du 25 avril à la Maison Folie Wazemmes ; le Conseil régional Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le Conseil général des Bouches du Rhône et la Ville de Marseille pour le concert du 22 mai à l’Affranchi ; le Conseil régional Rhône-Alpes et la Ville de Lyon pour le 23 mai au Ninkasi Kao ; le Conseil régional de Champagne-Ardenne, le Conseil général de la Marne et la Ville de Vitry-le-François pour le 30 mai à l’Orange Bleue.
Sur ces dix-sept collectivités territoriales responsables de la gestion de fonds publics, en l’occurrence de fonds publics destinés à assurer la promotion d’Orelsan et de ses propos plus que douteux sur les femmes, quatre d’entre elles ont, à notre connaissance, pris la peine de communiquer leur position au sujet de la présence de ce triste individu sur des scènes en partie financées par l’argent des contribuables.
La gauche responsable
François Bonneau, président de la Région Centre, ouvre la ronde des élus, le 3 avril, en demandant par voie de presse la déprogrammation d’Orelsan au Printemps de Bourges. Face à l'obstination du directeur du festival, il annonce que la subvention versée au festival sera amputée du budget destiné au concert d’Orelsan. Évidemment, il est regrettable que cette sanction financière ne soit guère à la hauteur des enjeux : le Printemps de Bourges compte 127 concerts et ce n’est pas en lui retirant l’équivalent d’un concert qu’un réel rapport de force peut être établi. Toutefois, François Bonneau a été bien peu soutenu par les élus, notamment par les autres co-financeurs publics du festival, et fort maltraité par la presse. Son acte, même s’il est à mi-chemin de ce qu’aurait dû être une position ferme et assumée, reste courageux.
Deux semaines plus tard, le 18 avril, Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François et conseiller général de la Marne, emboîte le pas à François Bonneau. Ce temps de réflexion supplémentaire l’amène à plus de fermeté et d’assurance : si l’Orange Bleue ne déprogramma pas Orelsan, il se dit prêt à prendre un arrêté municipal pour interdire le concert. Jean-Pierre Bouquet attend la réponse de l’Orange Bleue pour le 1er mai (qui ne sera donc pas chômé cette année) ; et à qui lui parle de débat en guise d’introduction au concert pour discuter de l’égalité entre les filles et les garçons, il répond qu’il s’agit là d’un « faux alibi », d’une « farce » qui, n’en doutons pas, ne vise à détourner la question de fond : une collectivité peut-elle à la fois mener des actions en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, des actions contre les violences sexistes et sexuelles, tout en finançant des programmations culturelles complaisantes vis-à-vis de ces mêmes violences ? Quelle crédibilité peut-elle conserver face à des contribuables dont l’argent est employé à tout et à son contraire sans la moindre cohérence ?
La gauche à côté de ses pompes
Le 3 avril, au même moment que le Président de la région Centre, mais pas vraiment sur la même ligne de force, deux vice-présidents du Conseil général du Cher, Maxime Camuzat (PCF) et Pascal Méreau (PS) commettent un communiqué quelque peu surprenant. S’ils estiment les chansons d’Orelsan intolérables et qu’ils condamnent fermement le mépris et l’appel à la violence qu’elles véhiculent, ils semblent incapables d’initiative propre. Certes, ils souhaitent « qu’Orelsan prenne la mesure de l’émotion et de la souffrance que ces textes ont éveillés et dénonce toutes les formes de violences faites aux femmes. » Certes, ils approuvent « la demande de la secrétaire d’Etat à la solidarité, Valérie Létard, de retirer la vidéo de cette chanson [Sale Pute] des sites internet ». Certes, il est tout à l’honneur du PS et du PCF de dépasser les clivages partisans et de soutenir Valérie Létard dans cette affaire. Mais eux, comment comprennent-ils leur responsabilité politique en tant que co-financeurs du Printemps de Bourges ? Nous ne le saurons pas. Ils se contente de laisser eposer les actions à entreprendre sur Valérie Létard et sur Orelsan lui-même.
Or, l’action juridique proposée par Valérie Létard est nécessaire, mais insuffisante. Elle doit être accompagnée par d'actes forts localement. Ces actes, ce sont les élus locaux qui peuvent les entreprendre.
De plus, considérer Orelsan comme un gamin à qui il faut faire prendre conscience de ses actes (ou du sens de ses paroles) est faire insulte à ce grand garçon de 26 ans et fils d’enseignants. Sa conscience n’a nullement besoin d’être éveillée. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les paroles de « Courez courez » :
La gauche carrément molle du genou
Les élus de la Ville de Rennes, pourtant si dynamique d’un point de vue associatif, ont opté pour le « oui, mais… ». Oui, les paroles d’Orelsan sont détestables, mais la liberté de création semble sacrée et sans limite. Oui, Nathalie Appéré, première adjointe au maire, conçoit que les paroles d’Orelsan soient particulièrement violentes à l’encontre des femmes, inacceptables et choquantes, mais préfère ne pas peser sur la programmation d’un établissement culturel, et ce d’autant plus que l’Antipode est engagé depuis plusieurs années dans l’action pour l’égalité entre les sexes et contre les violences sexistes. Ainsi, si une structure fait preuve de sens citoyen, tout au long de l'année il lui est permis de péter les plombs de temps à autre et de saper elle-même ses engagements )à long terme pour un simple concert. L’incohérence délirante de l’argument ne semble pas la perturber outre mesure.
Et les autres ?
La grande majorité des collectivités territoriales financièrement responsables de la promotion d'Orelsan est socialiste. Les prochaines prises de position (ou leur absence) redessinera la tendance majoritaire au sein de ce parti : la tendance « gauche responsable et ferme sur les principes d’égalité, de liberté et de solidarité », la tendance « gauche qui veut bien faire, mais ne sait pas comment faire », ou bien la tendance « gauche laxiste qui observe avec curiosité, mais sans intervenir, ce qui se passe pour voir ce que ça donne ».
Laquelle l’emportera ? Réponse dans les semaines à venir.
Sur ces dix-sept collectivités territoriales responsables de la gestion de fonds publics, en l’occurrence de fonds publics destinés à assurer la promotion d’Orelsan et de ses propos plus que douteux sur les femmes, quatre d’entre elles ont, à notre connaissance, pris la peine de communiquer leur position au sujet de la présence de ce triste individu sur des scènes en partie financées par l’argent des contribuables.
La gauche responsable
François Bonneau, président de la Région Centre, ouvre la ronde des élus, le 3 avril, en demandant par voie de presse la déprogrammation d’Orelsan au Printemps de Bourges. Face à l'obstination du directeur du festival, il annonce que la subvention versée au festival sera amputée du budget destiné au concert d’Orelsan. Évidemment, il est regrettable que cette sanction financière ne soit guère à la hauteur des enjeux : le Printemps de Bourges compte 127 concerts et ce n’est pas en lui retirant l’équivalent d’un concert qu’un réel rapport de force peut être établi. Toutefois, François Bonneau a été bien peu soutenu par les élus, notamment par les autres co-financeurs publics du festival, et fort maltraité par la presse. Son acte, même s’il est à mi-chemin de ce qu’aurait dû être une position ferme et assumée, reste courageux.
Deux semaines plus tard, le 18 avril, Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François et conseiller général de la Marne, emboîte le pas à François Bonneau. Ce temps de réflexion supplémentaire l’amène à plus de fermeté et d’assurance : si l’Orange Bleue ne déprogramma pas Orelsan, il se dit prêt à prendre un arrêté municipal pour interdire le concert. Jean-Pierre Bouquet attend la réponse de l’Orange Bleue pour le 1er mai (qui ne sera donc pas chômé cette année) ; et à qui lui parle de débat en guise d’introduction au concert pour discuter de l’égalité entre les filles et les garçons, il répond qu’il s’agit là d’un « faux alibi », d’une « farce » qui, n’en doutons pas, ne vise à détourner la question de fond : une collectivité peut-elle à la fois mener des actions en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, des actions contre les violences sexistes et sexuelles, tout en finançant des programmations culturelles complaisantes vis-à-vis de ces mêmes violences ? Quelle crédibilité peut-elle conserver face à des contribuables dont l’argent est employé à tout et à son contraire sans la moindre cohérence ?
La gauche à côté de ses pompes
Le 3 avril, au même moment que le Président de la région Centre, mais pas vraiment sur la même ligne de force, deux vice-présidents du Conseil général du Cher, Maxime Camuzat (PCF) et Pascal Méreau (PS) commettent un communiqué quelque peu surprenant. S’ils estiment les chansons d’Orelsan intolérables et qu’ils condamnent fermement le mépris et l’appel à la violence qu’elles véhiculent, ils semblent incapables d’initiative propre. Certes, ils souhaitent « qu’Orelsan prenne la mesure de l’émotion et de la souffrance que ces textes ont éveillés et dénonce toutes les formes de violences faites aux femmes. » Certes, ils approuvent « la demande de la secrétaire d’Etat à la solidarité, Valérie Létard, de retirer la vidéo de cette chanson [Sale Pute] des sites internet ». Certes, il est tout à l’honneur du PS et du PCF de dépasser les clivages partisans et de soutenir Valérie Létard dans cette affaire. Mais eux, comment comprennent-ils leur responsabilité politique en tant que co-financeurs du Printemps de Bourges ? Nous ne le saurons pas. Ils se contente de laisser eposer les actions à entreprendre sur Valérie Létard et sur Orelsan lui-même.
Or, l’action juridique proposée par Valérie Létard est nécessaire, mais insuffisante. Elle doit être accompagnée par d'actes forts localement. Ces actes, ce sont les élus locaux qui peuvent les entreprendre.
De plus, considérer Orelsan comme un gamin à qui il faut faire prendre conscience de ses actes (ou du sens de ses paroles) est faire insulte à ce grand garçon de 26 ans et fils d’enseignants. Sa conscience n’a nullement besoin d’être éveillée. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les paroles de « Courez courez » :
J'suis pour de vrai de vrai, j'dis c'que j'pense, j'pense c'que j'dis / Tout ce que j'écris c'est du premier degré, hé ! / (...) Les féministes me persécutent, me prennent pour Belzebuth / Comme si c'était d'ma faute si les meufs c'est des putes / Elles ont qu'à arrêter d'se faire péter l'uc / Et m'dire merci parce que l'les éduque, j'leur apprend des vrais trucs / Des fois j'sais plus si j'suis misogyneou si c'est ironique / j'serai peut-être fixé quand j'arrêterais d'écrire des textes où j'frappe ma p'tite copine
La gauche carrément molle du genou
Les élus de la Ville de Rennes, pourtant si dynamique d’un point de vue associatif, ont opté pour le « oui, mais… ». Oui, les paroles d’Orelsan sont détestables, mais la liberté de création semble sacrée et sans limite. Oui, Nathalie Appéré, première adjointe au maire, conçoit que les paroles d’Orelsan soient particulièrement violentes à l’encontre des femmes, inacceptables et choquantes, mais préfère ne pas peser sur la programmation d’un établissement culturel, et ce d’autant plus que l’Antipode est engagé depuis plusieurs années dans l’action pour l’égalité entre les sexes et contre les violences sexistes. Ainsi, si une structure fait preuve de sens citoyen, tout au long de l'année il lui est permis de péter les plombs de temps à autre et de saper elle-même ses engagements )à long terme pour un simple concert. L’incohérence délirante de l’argument ne semble pas la perturber outre mesure.
Et les autres ?
La grande majorité des collectivités territoriales financièrement responsables de la promotion d'Orelsan est socialiste. Les prochaines prises de position (ou leur absence) redessinera la tendance majoritaire au sein de ce parti : la tendance « gauche responsable et ferme sur les principes d’égalité, de liberté et de solidarité », la tendance « gauche qui veut bien faire, mais ne sait pas comment faire », ou bien la tendance « gauche laxiste qui observe avec curiosité, mais sans intervenir, ce qui se passe pour voir ce que ça donne ».
Laquelle l’emportera ? Réponse dans les semaines à venir.
Inscription à :
Articles (Atom)