Sur ces dix-sept collectivités territoriales responsables de la gestion de fonds publics, en l’occurrence de fonds publics destinés à assurer la promotion d’Orelsan et de ses propos plus que douteux sur les femmes, quatre d’entre elles ont, à notre connaissance, pris la peine de communiquer leur position au sujet de la présence de ce triste individu sur des scènes en partie financées par l’argent des contribuables.
La gauche responsable
François Bonneau, président de la Région Centre, ouvre la ronde des élus, le 3 avril, en demandant par voie de presse la déprogrammation d’Orelsan au Printemps de Bourges. Face à l'obstination du directeur du festival, il annonce que la subvention versée au festival sera amputée du budget destiné au concert d’Orelsan. Évidemment, il est regrettable que cette sanction financière ne soit guère à la hauteur des enjeux : le Printemps de Bourges compte 127 concerts et ce n’est pas en lui retirant l’équivalent d’un concert qu’un réel rapport de force peut être établi. Toutefois, François Bonneau a été bien peu soutenu par les élus, notamment par les autres co-financeurs publics du festival, et fort maltraité par la presse. Son acte, même s’il est à mi-chemin de ce qu’aurait dû être une position ferme et assumée, reste courageux.
Deux semaines plus tard, le 18 avril, Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François et conseiller général de la Marne, emboîte le pas à François Bonneau. Ce temps de réflexion supplémentaire l’amène à plus de fermeté et d’assurance : si l’Orange Bleue ne déprogramma pas Orelsan, il se dit prêt à prendre un arrêté municipal pour interdire le concert. Jean-Pierre Bouquet attend la réponse de l’Orange Bleue pour le 1er mai (qui ne sera donc pas chômé cette année) ; et à qui lui parle de débat en guise d’introduction au concert pour discuter de l’égalité entre les filles et les garçons, il répond qu’il s’agit là d’un « faux alibi », d’une « farce » qui, n’en doutons pas, ne vise à détourner la question de fond : une collectivité peut-elle à la fois mener des actions en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, des actions contre les violences sexistes et sexuelles, tout en finançant des programmations culturelles complaisantes vis-à-vis de ces mêmes violences ? Quelle crédibilité peut-elle conserver face à des contribuables dont l’argent est employé à tout et à son contraire sans la moindre cohérence ?
La gauche à côté de ses pompes
Le 3 avril, au même moment que le Président de la région Centre, mais pas vraiment sur la même ligne de force, deux vice-présidents du Conseil général du Cher, Maxime Camuzat (PCF) et Pascal Méreau (PS) commettent un communiqué quelque peu surprenant. S’ils estiment les chansons d’Orelsan intolérables et qu’ils condamnent fermement le mépris et l’appel à la violence qu’elles véhiculent, ils semblent incapables d’initiative propre. Certes, ils souhaitent « qu’Orelsan prenne la mesure de l’émotion et de la souffrance que ces textes ont éveillés et dénonce toutes les formes de violences faites aux femmes. » Certes, ils approuvent « la demande de la secrétaire d’Etat à la solidarité, Valérie Létard, de retirer la vidéo de cette chanson [Sale Pute] des sites internet ». Certes, il est tout à l’honneur du PS et du PCF de dépasser les clivages partisans et de soutenir Valérie Létard dans cette affaire. Mais eux, comment comprennent-ils leur responsabilité politique en tant que co-financeurs du Printemps de Bourges ? Nous ne le saurons pas. Ils se contente de laisser eposer les actions à entreprendre sur Valérie Létard et sur Orelsan lui-même.
Or, l’action juridique proposée par Valérie Létard est nécessaire, mais insuffisante. Elle doit être accompagnée par d'actes forts localement. Ces actes, ce sont les élus locaux qui peuvent les entreprendre.
De plus, considérer Orelsan comme un gamin à qui il faut faire prendre conscience de ses actes (ou du sens de ses paroles) est faire insulte à ce grand garçon de 26 ans et fils d’enseignants. Sa conscience n’a nullement besoin d’être éveillée. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les paroles de « Courez courez » :
J'suis pour de vrai de vrai, j'dis c'que j'pense, j'pense c'que j'dis / Tout ce que j'écris c'est du premier degré, hé ! / (...) Les féministes me persécutent, me prennent pour Belzebuth / Comme si c'était d'ma faute si les meufs c'est des putes / Elles ont qu'à arrêter d'se faire péter l'uc / Et m'dire merci parce que l'les éduque, j'leur apprend des vrais trucs / Des fois j'sais plus si j'suis misogyneou si c'est ironique / j'serai peut-être fixé quand j'arrêterais d'écrire des textes où j'frappe ma p'tite copine
La gauche carrément molle du genou
Les élus de la Ville de Rennes, pourtant si dynamique d’un point de vue associatif, ont opté pour le « oui, mais… ». Oui, les paroles d’Orelsan sont détestables, mais la liberté de création semble sacrée et sans limite. Oui, Nathalie Appéré, première adjointe au maire, conçoit que les paroles d’Orelsan soient particulièrement violentes à l’encontre des femmes, inacceptables et choquantes, mais préfère ne pas peser sur la programmation d’un établissement culturel, et ce d’autant plus que l’Antipode est engagé depuis plusieurs années dans l’action pour l’égalité entre les sexes et contre les violences sexistes. Ainsi, si une structure fait preuve de sens citoyen, tout au long de l'année il lui est permis de péter les plombs de temps à autre et de saper elle-même ses engagements )à long terme pour un simple concert. L’incohérence délirante de l’argument ne semble pas la perturber outre mesure.
Et les autres ?
La grande majorité des collectivités territoriales financièrement responsables de la promotion d'Orelsan est socialiste. Les prochaines prises de position (ou leur absence) redessinera la tendance majoritaire au sein de ce parti : la tendance « gauche responsable et ferme sur les principes d’égalité, de liberté et de solidarité », la tendance « gauche qui veut bien faire, mais ne sait pas comment faire », ou bien la tendance « gauche laxiste qui observe avec curiosité, mais sans intervenir, ce qui se passe pour voir ce que ça donne ».
Laquelle l’emportera ? Réponse dans les semaines à venir.
8 commentaires:
Ou la tendance habituelle depuis qqes décennies: celle du relativisme culturel.
En l'occurrence, ici, celui des djeunz (on peu pas dire de banlieue ou de telle origine, le djeunz est un rappeur et réciproquement).
Avec ça, on tolère bcp de choses dans notre bô pays.
Bon courage pour votre blog, Max.
Je trouve ce post intéressant. peut être auriez vous pu mentionner la réaction officielle du PS, je sais qu'il y en a eu une ... je l'ai lue, par contre je ne sais plus où je l'ai trouvée..
Communiqué de Gaëlle LENFANT,
>
> Secrétaire nationale adjointe
>
> aux Droits des Femmes - 27/03/09
voilà, j'ai retrouvé. j'ai le texte entier du communiqué. Mais je ne vais pas mettre ça en commentaire.
Merci Jocelyne,
Dans ce billet, je voulais surtout mettre en évidence les responsabilités individuelles des responsables politiques. Cependant, je garde sous le coude la position officielle du PS, des Verts et du PCF pour un autre article.
Max
Merci Mebahel,
Je garde aussi l'analyse des différentes causes menant au maintien de ce rappeur pour un autre article. Je suis d'accord avec vous sur le relativisme culturel appliqué aux jeunes et au manque de considération à notre égard.
Max
Bonjour,
Voici quelques infos pour la suite des événements contre la venue d’Orelsan dans une MJC rennaise :
Une manifestation aura lieu mardi 21 avril le jour du concert d’Orelsan à Rennes.
Le rendez-vous est fixé à 19 h sur le parking de la clinique la Sagesse (bus ligne 19, arrêt Clinique la Sagesse). Il y aura à partir de ce point de rendez-vous une marche jusqu'à l'Antipode.
La veille, le lundi 20 avril, aura lieu la dernière réunion de préparation de cette manifestation. Celle-ci aura lieu à 19 h au bar-librairie la Cour des miracles, 18, rue de Penhoët, près de la place Sainte-Anne.
N’hésitez pas à faire circuler ces informations, il faut un maximum de signataires à la lettre ouverte et un maximum de personnes pour manifester le 21 avril !
Salutations féministes
Mix-Cité Rennes
"On ne naît pas féministe, on le devient"
Mix-Cité Rennes
Mouvement mixte pour
l'égalité entre les sexes
féministe, anti-sexiste, mixte et internationaliste
http://mixcite.rennes.free.fr
Jolb je fais circuler vos infos sur mon blog.
Je trouve cet article intéressant à plus d'un titre. D'abord, celle sur qui repose le Parti Socialiste : Martine Aubry, force est de constater que chez elle c'est le grand écart ! Fais ce que je dis mais ne fais pas ce que je fais ! En effet, si la parole est du côté des droits des femmes, il n'empèche que la maison folies de wazemmes, elle ne leur dit rien et accepte donc la venue d'Orelsan. Elle est parfaitement au courant, pour ma part je lui ai envoyé plusieurs mails, au ps, à la mairie de Lille, et puis une autre instance où elle siège je ne sais plus si c'était la région ou le conseil général. Bref la première des socialistes c'est le grand écart.
bourges ! Cette ville ne mérite plus de majuscule. Avez-vous vu la composition des membres en responsabilités du conseil général ? La composition des responsables de commissions ? Pas une femme ! Allez voir sur leur site, pas une femme ! Zéro ! C'est effarant tout de même ! Alors que c'est un homme de leur parti, Jospin, qui a dû faire une loi pour imposer la parité. Je ne dis pas que les autres partis sont mieux, simplement dans un parti qui veut gouverner ça fait désordre quand même.
Enfin, je suis une femme et je ne ravalerai pas ma rage qu'en 2009 on puisse encore chanter des horreurs pareilles ! Pardon mesdames de couleur, je ne le pense vraiment pas, mais imaginez qu'au lieu de chanter "sale pute" il ait chanté "sale noire" ??? Que se serait-il passé ??? Pour ma part je lui serait tombé dessus pareillement !
Bonjour,
Avant de passer au Bataclan, le bouffon en remet une couche. Pub à bon compte sur le dos des femmes. Il finira par se casser les dents.
communiqué de presse du Collectif National pour les Droits des Femmes
[info à faire circuler si vous le pouvez
"Le 21 avril 2009, le rappeur OrelSan était programmé à la MJC de Rennes. Pendant les semaines précédant le concert, de nombreuses associations ont alerté le directeur de la MJC et les élu/es de la ville de la nocivité des textes de ce rappeur qui se plaît à détailler avec complaisance des violences infligées à des femmes et à des mineures.
Deux semaines auparavant, OrelSan devait se produire à Poitiers. Mais, face à l’extrême violence de ses chansons et à leur ambivalence, les responsables du Confort Moderne ont décidé de le déprogrammer.
A Rennes, le responsable de la MJC et les élu/es se sont réfugiés derrière une pseudo-liberté d’expression qui ne connaîtrait aucune limite pour maintenir le concert d’OrelSan. La liberté d’expression, telle qu’elle est internationalement reconnue, connaît pourtant une limite : l’appel à la haine et au meurtre.
Dans leur volonté de protester contre cette conception de la liberté d’expression qui ne respecte ni l’humain ni le vivre-ensemble, quatre associations ont appelé à un sit-in le jour du concert devant la MJC : Pulsart, association nationale d’actions artistiques auprès des jeunes en difficulté, et trois associations locales qui agissent pour les droits et l’autonomie des femmes. L’entrée de la salle a été bloquée pendant une heure par quelques manifestant/es, retardant ainsi le concert. Cette action s’est déroulée sans violence. Pendant le blocage, les participant/es, des militant/es d’associations et des étudiant/es de Rennes 2, ont discuté avec le public pour leur faire prendre connaissance de la teneur des textes d’OrelSan et de leur gravité.
Jeudi dernier, 30 avril, Pulsart et d’autres associations ont reçu une lettre de l’avocat d’OrelSan en date du 22 avril qui les met « en demeure d’interrompre immédiatement toutes [leurs] actions de nature à porter atteinte au bon déroulement de la carrière d’OrelSan ».
L’avocat du champion de la liberté d’expression intime donc aux associations de se taire sous menace de poursuites.
Nous soutenons toutes les associations mises en demeure.
Ces mises en demeure concernent aussi chacune de nos associations :
c’est notre liberté de manifestation et d’expression qui est menacée.
Par ailleurs, l’avocat d’OrelSan émet toute une série d’accusations mensongères qu’il est bien sûr dans l’impossibilité d’étayer par quelque fait réel. La manœuvre vise à faire pression pour imposer le silence aux associations féministes.
L’avocat avance aussi : « la chanson dont vous dénoncez les paroles n’est ni contenue dans l’unique album d’OrelSan, ni interprétée lors de ses prestations sur scène ».
OrelSan ne chante plus « Sale Pute » sur scène, mais il continue à chanter « Suce ma bite pour la Saint-Valentin » où il menace (déjà !) sa copine de la « marie-trintigner » si elle ne se tait pas (décidément, c’est une manie !). De plus, ces chansons, parmi les plus haineuses de son répertoire, sont toujours accessibles sur internet : le rappeur et ses producteurs refusent de les retirer.
Nous rappelons enfin que plusieurs autres de ses chansons sont porteuses d’un message de haine contre les femmes, les gays et les lesbiennes. Pour n’en citer que deux, « Courez, courez » et « Différent » comptent parmi les chansons de son album qui portent atteinte à la dignité humaine.
OrelSan use et abuse de la liberté d’expression,
mais dénie à celles et à ceux qui rejettent ses chansons le droit de s’exprimer.
Nous refusons le chantage et le silence qu’il veut nous imposer.
Nous dénonçons les accusations mensongères proférées par son avocat.
Nous affirmons que la liberté d’expression n’appartient pas qu’aux «artistes» : la liberté d’expression appartient à chacun/e d’entre nous.
OrelSan ne nous fera pas taire !
Signataires :
Association Droits des Femmes XXe, Chiennes de Garde, « Cineffable, Quand les lesbiennes se font du cinéma », Collectif de pratiques et de réflexions féministes « Ruptures », Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Collectif 13 Droits des Femmes, Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (CADAC), Coordination française pour le Lobby européen des femmes (CLEF), Coordination Lesbienne en France (CLF), CQFD-Fierté Lesbienne, Elu/es Contre les Violences faites aux Femmes (ECVF), Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), « Femmes Libres » - Radio Libertaire, Femmes Solidaires, La Meute, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie (LFID), Ligue du Droit International des Femmes (LDIF), Mix-Cité Paris, Mouvement français pour le planning familial (MFPF), Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Paroles de femmes Massy, Parti de Gauche, Pluri’elles Algérie..."
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